En matière d'innovation, il importe peu que quelque chose soit nouveau ou non.

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La "nouveauté" est au cœur du concept actuel d'innovation : des produits nouveaux et différents, qui sont protégés par des brevets et deviennent ainsi une propriété intellectuelle juridiquement protégée.

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Mais c'est le moins important des principes de l'innovation pour le bien commun, car il est davantage motivé par des critères économiques privés (brevetabilité des produits et des procédés) que par un critère d'utilité pour le plus grand nombre.

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En outre, le concept de "nouveauté" n'est généralement appliqué que du point de vue d'une société ou d'un groupe, et non de l'humanité dans son ensemble.

Qu'il s'agisse d'invention, d'innovation ou de découverte, qu'est-ce qui est vraiment nouveau ? De nombreuses "inventions", qui sont nouvelles pour un pays ou une culture, existaient déjà dans ce même pays à d'autres époques, ou dans un autre endroit très éloigné. Les conduites d'eau en métal étaient courantes en Europe à l'époque romaine, et ne sont revenues en usage qu'au XIXe siècle. La presse à caractères mobiles, la poudre à canon ou la boussole étaient déjà connues en Chine des centaines d'années avant d'être "réinventées" dans les pays européens.

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N'oublions pas non plus que le concept de "découverte" est souvent porteur d'une arrogance ethnocentrique. Peut-on dire que Hiram Bingham a "découvert" le Machu Picchu, alors qu'il y a été conduit par un guide local ? Un guide qui, d'ailleurs, ne figure pas dans les livres d'histoire. De même, il semblerait étrange de lire que les premiers Américains que Colomb a amenés en Espagne étaient les "découvreurs" de l'Europe. Mais en réalité, ils l´étaient... du point de vue des Amériques.

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Tout cela détourne l'idée de l'innovation comme étant la création de quelque chose de "nouveau". Nous proposons donc un changement d'approche, dans lequel la créativité et l'utilité pour le bien commun priment.

L'économie des ressources est un principe de base de l'innovation. Elle est de plus en plus fondamentale à une époque où les ressources se raréfient.

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L'efficacité implique d'atteindre les objectifs souhaités en utilisant le moins de ressources possible. Les ressources étant souvent rares, l'efficacité et l'économie sont fortement liées. Malheureusement, l'économie des ressources ne semble pas être un principe répandu dans les activités économiques d'aujourd'hui.

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Par exemple, de nos jours, la plupart des programmes informatiques que nous utilisons, tels que MS Office, offrent facilement des centaines d'options de plus que ce dont nous avons besoin au quotidien. En principe, cela ne semble pas être une mauvaise chose, mais dans la pratique, cela a un coût important : nous avons besoin d'ordinateurs dotés de processeurs plus puissants et de beaucoup de mémoire vive pour exécuter des fonctions très similaires à celles que nous réalisions avec Office 97 sur des ordinateurs des centaines de fois moins puissants. C'est l'équivalent de tirer sur des mouches avec des canons : un gaspillage de ressources qui viole fondamentalement notre approche de la véritable innovation.

Et il existe des exemples encore plus inquiétants : une bouteille en plastique consomme 80 litres d'eau pour sa production, ou les transactions en bitcoins dans le monde consomment plus d'électricité qu'un pays entier comme l'Argentine.

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Alors que de nombreux éléments se raréfient, comme l'eau potable, l'air pur, le pétrole, etc., il est de plus en plus urgent de faire plus avec moins. Cependant, certaines pratiques courantes, comme l'obsolescence programmée ou l'utilisation d'emballages inutiles et non recyclables - pour ne citer que deux exemples - contredisent ce principe de manière presque tragicomique. Pour ceux qui veulent se réveiller de leur ignorance placide, nous recommandons de voir quelques images des nombreuses décharges où sont stockés les déchets technologiques que nous envoyons dans les pays plus pauvres, juste pour que nous ne les ayons pas près de nos maisons.

La redécouverte de la beauté et de l'ordre naturels offre une source inépuisable d'inspiration pour l'innovation.

Il existe deux façons opposées de penser le progrès scientifique et technique. L'une voit les idées et les réalisations comme des éléments séparés, comme des pierres qui s'accumulent pour créer le tas d'agrégats que nous appelons science ou technologie ; l'autre voit le monde comme un tout harmonieux, dont les êtres humains ne connaissent encore qu'une infime partie. Ainsi, chaque découverte est, en réalité, un "retrait du voile" qui recouvrait la partie maintenant découverte.

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L'harmonie et l'ordre sont intimement liés. Le mot grec kosmos, que nous utilisons couramment comme synonyme d'univers, signifiait à la fois "harmonie", "beauté" et "ordre". Les Grecs anciens ont ainsi reconnu que l'univers tout entier est beau et harmonieux, et que nous y trouvons des écosystèmes infinis qui reflètent l'ordre et la beauté de la nature.

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L'ordre et la beauté intégrés sont de puissants moteurs pour une véritable innovation. Le principe d'harmonie est inspirant et créatif, il fournit des pistes de recherche et fait du déjà connu une porte vers l'inconnu. De même, la recherche de l'ordre, qui s'exprime dans la beauté, est un stimulant pour l'innovation, plus puissant que la simple volonté de résoudre les problèmes quotidiens.

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Ce n'est peut-être pas une coïncidence si certains des principaux espaces et modèles d'innovation, tels que le Media Lab du Massachusetts Institute of Technology ou la conception du cradle-to-cradle design, sont étroitement liés à l'architecture. L'architecture, "musique gelée", comme l'a appelée un poète, est l'une des disciplines pratiques les plus harmonieuses et systémiques, comme l'a conçu le Romain Vitruve dans son célèbre traité des principes de l'architecture.

Si nous agissons en considérant l'impact de nos actions sur la septième génération, dans 150 ou 200 ans, nos actions et décisions seront nettement plus responsables et bénéfiques.

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C'est peut-être le plus négligé des principes. Il s'inspire du principe de la septième génération, commun à de nombreux groupes amérindiens ; un principe selon lequel, lorsque nous prenons des décisions importantes, nous évaluons l'impact qu'elles auront sur la septième des générations à venir.

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D'autre part, notre culture n'agit qu'à court terme et, par conséquent, les mines qui empoisonnent les territoires adjacents pour des siècles sont endémiques à notre "progrès" récent. Il en va de même pour la déforestation qui déséquilibre les habitats et transforme les sources de richesse et de vie en déserts, frappant ainsi presque tous les pays.

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Pour illustrer l'importance de ce principe, racontons un exemple historique. Inquiet des recherches allemandes liées à l'exploitation militaire de l'énergie nucléaire, Einstein écrit une lettre au président américain Roosevelt. Cela a conduit à la naissance du projet Manhattan, qui a donné naissance à la bombe nucléaire. Lorsque deux de ces bombes ont été larguées sur les populations civiles d'Hiroshima et de Nagasaki, des physiciens comme Oppenheimer, qui avait participé à leur développement, ont été horrifiés. Ces scientifiques se sont regroupés dans l'après-guerre pour tenter d'empêcher la percée suivante, la bombe à hydrogène, mais il était trop tard. L'Union Soviétique a mis la main sur la technologie nucléaire grâce à l'espionnage, et la bombe H a été développée.

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Il est illusoire de penser que le développement de la technologie, sous ses multiples aspects, devrait être amoral, c'est-à-dire se dérouler sans considérations éthiques. Il existe des découvertes et des technologies qui peuvent être hautement destructives pour le bien commun de l'humanité, et tant que le sens tribal primera sur la conscience de l'Humanité Unique, il vaudra peut-être mieux que certaines découvertes et avancées ne voient pas le jour.

Dans un monde en perpétuel changement, il y aura toujours un besoin de nouvelles solutions à des problèmes spécifiques.

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C'est peut-être le principe qui est le plus étroitement lié au concept d'innovation. Le monde n'est pas statique, tout ce que nous connaissons est en perpétuelle évolution. Par conséquent, ce qui peut être utile et pertinent à un moment donné, cesse de l'être à un stade ultérieur du cycle évolutif.

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Nous proposons l'évolution urgente de notre modèle économique, et des activités industrielles qui en découlent, vers un "nouveau" modèle ; un modèle qui revient à une vision écosystémique du monde et des relations entre les êtres humains et la nature.

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Le modèle de développement durable, proposé par les Nations Unies dans son Agenda 2030, représente un pas dans la bonne direction, avec une vision qui intègre solidement les aspects économiques, sociaux et environnementaux.

Pour innover, l'être humain peut - et doit - intégrer ses facultés d'analyse et d'imagination.

 

L'innovation bénéficie de solutions synergiques à des problèmes communs. La synergie signifie que le tout est plus grand que la somme de ses parties. Nous proposons d'étendre le concept de synergie au-delà du travail en équipe, où la synergie est un objectif clairement souhaitable.

 

Notre proposition de synergie s'applique aux deux grands domaines de la psyché humaine, le symbolique-intuitif et l'analytique-rationnel.

 

Ces zones sont synthétisées dans les fonctions attribuées aux deux hémisphères du cerveau : le gauche, spécialisé dans l'analyse et la logique des parties, et le droit, qui utilise la synthèse, l'imagination et la vue d'ensemble.

Ainsi, en se concentrant sur les détails techniques, pragmatiques et concrets, on ne perd pas la vue d'ensemble, qui peut être la porte de l'inspiration dans ces moments où l'on ne trouve pas d'issue ; ce que l'on appelle dans les pays anglophones thinking out of the box.

 

La vision systémique et globale est également un excellent antidote à l'égoïsme manifeste des innovations brevetables. Les découvertes, inventions et innovations sont généralement d'humbles applications, à l'échelle humaine, des lois naturelles. Pour un ingénieur, ce serait un succès de reproduire les caractéristiques mécaniques d'une simple toile d'araignée ou le vol d'une libellule.

Les résultats de tout processus d'innovation doivent être utiles au bien commun et respecter la nature.

 

L'innovation s'exprime par des idées et des créations variées, qui ne seront utiles que si l'équilibre naturel est respecté, et si les besoins humains réels sont pris en compte.

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Le modèle économique du beignet (doughnut), créé par l'économiste d'Oxford Kate Rawoth, en est un excellent exemple. Elle postule que nous devons répondre aux besoins fondamentaux de TOUS les êtres humains, ce qui, selon l'économiste, est bien reflété dans les objectifs de développement des Nations Unies. En même temps, un certain nombre de limites naturelles doivent être respectées.

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Comme beaucoup l'ont déjà souligné, si nous ne respectons pas ces limites naturelles, nous risquons de compromettre notre propre avenir. Notre modèle économique actuel peut tristement être décrit comme "le pain pour aujourd'hui et la faim pour demain".